« Blatter un monde à vendre » : enquête au cœur d’un système…
Journaliste à l’Agence France Presse depuis 1998, Eric Bernaudeau a notamment été en poste à Hong-Kong de 2007 à 2011. Désormais en charge des sports en Suisse, il couvre l’actualité des instances et des grandes fédérations, comme la FIFA, organisme dont le sigle est depuis de longs mois synonyme de corruption, malversations financières et le nom indissociable de son ex président Sepp Blatter. Après plusieurs mois d’enquête, plus de trente rencontres, une interview inédite de Sepp Blatter, le journaliste publie le premier livre sur le mystérieux président au pouvoir aussi puissant que celui d’un chef d’état. Incroyable mais vrai !
Propos recueillis par Philippe Dova
Trait d’Union : Pourquoi et à quel moment avez vous décidé d’écrire ce livre ?
Eric Bernaudeau : Tout a commencé au moment de la crise lorsque Sepp Blatter a annoncé sa démission, en juin 2015. En arrivant en Suisse, je me suis aperçu qu’il y avait très peu de littérature sur lui personnage énigmatique et inconnu. Enquêter sur lui permettait de mieux comprendre la FIFA.
Qu’avez vous découvert sur ce monsieur Blatter au cours de votre enquête ? Qui est-il finalement ?
Issu d’un milieu assez modeste du Haut-Valais, il a eu la chance de faire des études dans les années 50 ce qui était plutôt rare à l’époque. Il a travaillé pendant vingt ans dans la communication, les relations publiques, pour Longines pour les jeux Olympiques avant de rentrer à la FIFA. Il s’est ainsi constitué un carnet d’adresse et un réseau incroyables…
C’est grâce à ce réseau qu’il est passé d’enfant d’ouvrier à président de la FIFA ?
Il a été aidé effectivement. Tout a commencé en 1974. A l’époque, le président de la FIFA, le Brésilien Joe Avelange était à la tête d’une fédération qui comptait onze employés et n’avait pas d’argent. Il a eu l’idée de lancer un programme de développement et, pour le mener à bien, a recruté Sepp Blatter qui « s’ennuyait chez Longines » ! C’était déjà quelqu’un de très affable, séducteur, polyglotte. Il avait toutes les compétences pour développer cette FIFA. En l’espace de vingt ans, il en a fait une extraordinaire une machine à cash !
C’est-à-dire ?
Il a signé le premier contrat de marketing sportif d’importance, en 1975 avec Coca Cola premier partenaire historique de la FIFA. Ce partenariat a permis de mettre en place le programme de développement et Sepp Blatter s’est appuyé dessus pour faire du football un sport aujourd’hui universel. Grâce à l’argent du programme de développement, il s’est assuré du soutien des présidents des fédérations de tous les petits pays. Aujourd’hui, chaque président des 209 fédérations est redevable à Sepp Blatter qui a donné entre un et deux millions de dollars chaque année à chaque fédération, quelle que soit sa taille. C’est grâce à ce système qu’il s’est maintenu au pouvoir… Toute la question est de savoir si l’argent est bien arrivé à destination…
Quelle est la personnalité de Sepp Blatter ?
C’est quelqu’un de machiavélique, de supérieurement intelligent, il aurait certainement très bien réussi en politique. Il a tout compris, il connaît parfaitement ses adversaires, c’est certainement son principal atout. Il a su parfaitement manipuler les personnes qui ont travaillé à son service à des fins personnelles… Pas pour son enrichissement personnel, je n’en ai pas la preuve, mais par goût du pouvoir.
Il y aura-t-il une suite à cette enquête ?
Peut être ! C’est la fin de l’ère Blatter, son successeur vient d’être nommé, les gens n’ont plus peur de parler, c’est la fin de l’omerta ! Mais l’histoire de la FIFA est loin d’être terminée, il y a d’autres personnages intéressants comme Michel Platini qui ne pouvait pas ignorer, étant à la FIFA depuis 2002, ce qui s’y passait…
Un livre sur Platini ?
Ce n’est pas exclu… Tout n’a pas été écrit sur le CIO, sur la fédération d’athlétisme, sur les milliards de dollars qui circulent aujourd’hui dans le sport, sur le dopage. Le rugby et d’autres sports mériteraient que l’on se penche sur leur gouvernance et leur gestion…
Le passionné de foot que vous êtes n’a-t-il pas été déçu en découvrant le dessous des cartes ?
Il faut se détacher ! J’ai vu les exploits de Platini en Espagne, au Mexique mais à partir du moment où ces personnes décident de quitter la scène sportive et de rentrer dans la scène politique, je crois qu’ils se doivent d’appliquer les mêmes règles qu’ils demandaient lorsqu’ils étaient sur le terrain. Il faut respecter les règles du jeu et depuis vingt ans, les dirigeants de la FIFA s’en sont complètement affranchis. Aujourd’hui l’heure est venue de rendre des comptes.
« Blatter, un monde à vendre »
Enquête par Eric Bernaudeau
Hoche Communication SAS –
Jacques Marie Laffont Editeur
En vente chez Parenthèses