Tranche de vie

Atterrissage

Dans l’Auberge espagnole, Cedric Klapisch fait dire à Xavier (Romain Duris) : « Quand on arrive dans une ville, on voit des rues en perspective, des suites de bâtiments vides de sens. Tout est inconnu, vierge. Voilà, plus tard on aura habité cette ville, on aura marché dans ses rues, on aura été au bout des perspectives, on aura connu ses bâtiments, on y aura vécu des histoires avec des gens ». 

Par Perrine Tavernier

Ce matin, je me réveille dans ce nouvel appartement et j’ai le sourire. Je découvre cette vue magnifique sur la mer de Chine dont je ne me lasse pas. C’est pourtant un bazar innommable dans notre appartement. Le container est arrivé. Mon fils aîné retrouve ses jouets, et toutes nos affaires sont là. Ce matérialisme, qui s’oppose au spiritualisme en temps normal, s’intègre parfaitement dans le cadre d’une expatriation. Nos affaires sont nos repères, elles transportent nos souvenirs et nos racines. Je revois ma mère affligée me disant : « Tu ne vas tout de même pas prendre ta vaisselle de mariage ? ». 

Tous les verres ont fait le voyage ainsi que le service en porcelaine et la ménagère. Je crois les avoir plus utilisés à Hong-Kong qu’à Paris. Etre Français est un art de vivre dont je prends conscience en étant loin de mon pays.

Passée l’excitation des premières semaines avec la découverte de ce nouvel environnement et ce sentiment de vacances, la routine du quotidien se met en place et je cherche mes repères. 

A Paris, nous écoutions la Grasse Matinale de Nova. J’avais imaginé qu’il y aurait une radio semblable à Hong-Kong et il y en a certainement une mais le fait est, nous ne parlons pas chinois. Ce silence radio commence à me peser et voyant mon regard sombrer vers l’angoisse, un matin mon mari me fait la surprise et me dit : « Mon cœur, on a la radio ! » Sauf que la radio en direct, le matin à Hong-Kong c’est le programme nuit en France. Je vous suggère de tenter l’expérience, retour au lit garanti.

J’avais en tête les potentielles difficultés d’adaptation concernant l’alimentation. La gastronomie française n’est pas un mythe, la qualité et l’accessibilité des produits est une réalité. Je n’avais pas pensé aux besoins secondaires tels que la mode ou la musique et à tous ces rendez-vous incontournables : la Fiac, la fashion week… Sans y participer, nous les vivions pleinement. Comment vais-je me tenir informée des nouveaux artistes de la scène française ? Je ne vais quand même pas être « has been » ? Et bien si ! J’ai écouté pour la première fois l’album de Juliette Armanet en mai 2018, j’avoue à demi-mots la découverte du deuxième opus d’Aya Nakamura il y a peu. 

Nous nous sommes abonnés au podcast de nos radios préférées et nous écoutons les émissions avec un décalage de 24 heures, je ne vous parle pas des magazines français que j’ai plaisir à lire des mois après leur parution.

Je retire une certaine satisfaction d’avoir découvert les fabuleuses toiles de la peintre Ines Longevial durant son premier solo show à Paris et la dernière collection prêt-à-porter de Jacquemus à distance mais on time !

Assez restés dans notre cocon, nous n’avons pas parcouru tous ces kilomètres pour rester chez nous, il faut sortir. La découverte de Hong-Kong passe par l’histoire et la culture mais ce que j’aime par-dessus tout, ce sont les tendances, le dernier cri. Sauvée, il y a bien une fashion week à Hong-Kong, la Fiac est devenue le Hong-Kong Art Basel et Rolland qui m’a tant manqué l’année dernière, Rolland Garros a switché avec les Sevens.

Un soir, je me suis décidée à confier les enfants à notre helper pour rejoindre mon mari et boire un verre avec lui. J’ai cherché frénétiquement the place to be et je l’ai trouvée. 

Nous étions tous les deux, sur ce roof top avec le sentiment de pouvoir toucher les tours lumineuses qui nous entouraient. Il faisait chaud avec un léger vent venu de la baie de Hong-Kong. 

Paris est loin mais la magie est là. Je suis heureuse.

Ma playlist

Artiste : Aya Nakamura

Titre : Pompom

Album : NAKAMURA

*Perrine Tavernier, Française arrivée à Hong-Kong il y a moins d’un an nous livre à travers une chronique humoristique, ses impressions de nouvelle expatriée au cœur du port parfumé.