Economie

Affaires à Suivre #9 : Des banques en ligne à Hong-Kong?

Eté 2018, l’autorité financière de Hong Kong (le HKMA, pour faire simple) publiait une Guideline revisitée relative au développement des banques en ligne. La Guideline n’est pas nouvelle, mais jusqu’à présent elle n’avait eu que peu d’utilité puisqu’elle ne répondait à aucune demande. Mais les choses changent, et le HKMA semble maintenant déterminé à innover. Deux questions se posent donc : quels enjeux, pour quels résultats potentiels ?

Ne trouvez-vous pas étonnant qu’une place financière telle que Hong Kong ne dispose pas de services de banque en ligne dans son portefeuille financier ? Surprenant, en effet. Mais jusqu’à présent la demande ne semblait pas justifier l’offre. Les banques locales fournissent toutes des plateformes en ligne permettant une gestion simple de nos comptes, donc pourquoi innover davantage ?

En mai 2018, le HKMA lançait cependant une consultation visant à recueillir les avis des professionnels du secteur financier sur un projet de Guideline revisitée.

Le document d’origine datait de 2001 et n’avait pas aidé à développer le secteur. Mais, presque deux décennies plus tard, les avancées technologiques poussent à revoir la copie. Une ‘Revisited Guideline’ vient d’être officiellement publiée, et les acteurs du secteur financier ont jusqu’à la fin du mois d’août pour se manifester et demander une licence.

Derrière cette démarche se devinent trois objectifs. D’une part, développer un secteur bancaire plus innovant. D’autre part, corriger une déficience du marché bancaire actuel. Enfin, poursuivre autant que faire se peut la dynamique de développement Fintech que Hong Kong cherche à promouvoir depuis un certain temps.

Objectif premier : créer un cadre juridique favorable au développement des banques en ligne.

Sans surprise, le premier objectif des autorités financières est de promouvoir le développement du secteur bancaire de Hong Kong.

La Guideline officielle est claire, les futures banques virtuelles devront se mettre au niveau des banques classiques. Elles devront se conformer aux réglementations financières traditionnelles et devront avoir une assise financière suffisamment importante pour résister aux chocs. Autre facteur intéressant, les futures banques en ligne devront aussi justifier d’un plan d’affaire solide, dans lequel le potentiel disruptif ne sera pas le seul facteur d’innovation. En clair, le HKMA ne cherche pas à créer des banques au rabais.

Le point le plus important, néanmoins, est peut-être le fait que l’autorité financière ouvre le marché bancaire à des sociétés financières dites non-bancaires. Demain, des groupes comme Ant Financial (Alibaba) ou comme la Hong-Konguaise ‘Neat’ qui facilite les transferts sans disposer de comptes en propre (leur slogan actuel: ‘We are not a Bank’) pourront obtenir une licence et deviendront par la même occasion des banques. Pas d’obligation de maintenir des branches, puisqu’un bureau suffira. En revanche, ces sociétés pourront recevoir des dépôts, faire des prêts, et offrir tous les services en ligne imaginables… sans devoir gérer les contraintes des banques dites ‘brick & mortar’. Un marché plus que prometteur, donc.

Objectif second : corriger une déficience du marché bancaire actuel.

Au-delà de l’aspect business, la guideline a aussi un objectif social.

Les lecteurs résidant à Hong Kong connaissent la réalité du marché bancaire local : ouvrir un compte en banque corporate est souvent un challenge, sans parler de cette tranche de la population sous-bancarisée qui dans les faits n’accède que rarement aux facilités qui font notre quotidien.

Donc, la Guideline impose des règles. Pas de frais minimums exorbitants, et un objectif d’inclusion financière assumé qui, très clairement, est un pilier du cahier des charges. C’est écrit noir sur blanc.

Objectif (stratégique) ultime : pousser d’avantage la dynamique Fintech de Hong Kong.

Le troisième objectif du HKMA est bien évidement stratégique.

En Novembre 2017, on avait parlé sur Trait d’Union d’un rapport intitulé ‘The Future of Fintech’ qui constituait un intéressant plan d’affaire pour le développement Fintech de Hong Kong. Mais ce plan de parlait pas des banques en ligne. Pas du tout, pas un seul mot.

Néanmoins, la Guideline relative aux banques virtuelles s’inscrit très clairement dans la lignée des différentes politiques publiques en matière de Fintech. Les pouvoirs publiques cherchent à positionner Hong Kong comme le hub financier de la région, et les banques en ligne sont un moyen jusque là ignorer pour concrétiser le projet.

Ailleurs dans la région, des modèles similaires sont déjà en place, ce qui signifie que Hong Kong est tout simplement en retard. Et oui. Inde, Vietnam, Japon, Corée, les ‘neo-banks’ se développent un peu partout. Point intéressant, en revanche, le concurrent historique de Hong Kong en matière de Fintech (Singapour) est tout autant à la traîne.

La question du potentiel.

Se pose donc la question du potentiel.

En théorie, le potentiel est gigantesque. Hong Kong est pour l’instant en retard, c’est indéniable. Mais la Guideline sur les banques virtuelles a suscité beaucoup d’intérêt, tant auprès des banques historiques qu’auprès des fournisseurs de services financiers innovants. L’enjeux est d’attirer des investisseurs d’ici et d’ailleurs, et lorsque les licences auront été attribuées Hong Kong pourrait rapidement devenir un leader régional dans le domaine, du fait du nombre de nouveaux acteurs entrants sur le marché du bancaire virtuel.

En pratique, cependant, des inquiétudes sont visibles. En particulier, l’obligation faite aux nouveaux entrants de garantir un capital de 300 millions (HK) et les limites imposées en matière de potentiel disruptif suggèrent que, peut-être, seuls les gros groupes déjà établis pourront espérer mettre un pied dans la piscine. Les autres candidats pourraient peut-être devoir se contenter d’un simple orteil…

Affaire à suivre !

Pour une analyse plus poussée du sujet, ne manquez pas l’article ‘Analysis | Virtual banks regulation in Hong Kong: HKMA pushing into smart banking and Fintech‘ publié par The Asia-Pacific Circle.

Universitaire à la Chinese University of Hong, Dr Antoine Martin est le co-fondateur et Head of Insights du Cercle Asie-Pacifique (The Asia-Pacific Circle), un groupe de réflexion qui publie des contributions touchant à l’analyse des tendances Asie-Pacifique. Vous avez une expertise? Vous voyez une tendance? Get in touch!