Culture

A 17 ans, on n’est pas sérieux donc. – Par Matthieu Motte

C’est « l’âge des espérances et des chimères, comme on dit. » 

 

C’est pourtant à cette date que le Carnet magique vit le jour, de l’autre côté du siècle, en 1999. 

Depuis une première L classe poubelle, dixit les scienteux allogènes, ces miscellanées se sont noircies au fil des ans de trouvailles poétiques et d’illuminations. 

Un grimoire de grimaud que j’aurais sauvé de toutes les flammes avant qu’il ne soit sain et sauf numérisé à temps. Je crois que le premier mot en était « sentencieux » mais ce n’était pas sa vocation. S’il fallait lui élire un substantif, primus inter pares, il serait à la fois kabbalistique et familier, hellène et allègre, ce serait « oaristys ». Tout simplement parce que c’est beau à entendre et musical à dire. Tant de voyelles… Presque une partie de jambes en l’air pour un lexicophile…

Les mots sont de savoureuses échappatoires au réel. Apprendre des mots qui ne servent à rien sinon à être beaux, des hapax qui tombent à pic, c’est un revenez-y d’esthète en ces temps confinés. Quel plaisir, à l’instar de Huysmans, que de s’énerver sur le délicieux sortilège de l’épithète rare… Ils ont tous leurs couleurs, leurs signes enfouis, leur édifiante sémantique. Ils traversent les écrans de pluie et perforent ceux de fumée. 

Je livre ce magique bréviaire en vrac, au détail, tout venant, ce spicilège foutraque et égotiste pour que vous le parcouriez « à sauts et à gambades ». 

Il ne reste plus qu’à les sentir, ces mots, zinzinuler sur des palettes de nuances, hurler à grand renfort d’anglicismes ou se poser sur votre épiderme comme de délicats vade-mecum. 

La langue n’est pas un combat, c’est une fragrance du passé et de l’avenir qui prend forme également dans des citations bien senties, des apophtegmes émaillés de ça, de là et passim. Gravés au burin sur le frontispice d’un temple chryséléphantin ou éructés par un quidam loufoque du coté de Clichy, ces saillies se veulent emplies de sens, de rires ou de promesses mais ne se targuent jamais d’être définitives. 

En mouvement le bon mot, toujours, en décalage aussi pour provoquer l’humour ou faire jaillir l’image poétique. Le latin se croyait immortel parce que figé de facto. De cet orgueil, la langue est morte de sclérose. Le français a compris la leçon, qui ne cesse de se mouvoir avec exigence et clarté ; avec ouverture d’esprit et curiosité surtout. 

Enfin les quelques références aux livres essentiels qui s’y trouvent sont des œillades à la littérature d’antan qui laissent présager les biblos à venir. Vous rencontrerez ainsi Bardamu qui accoste « la ville debout », Rimbaud fuguant vers Charleroi, Salomé lascive (« Flaubert, c’est elle ») qui envoûte Herode mais aussi la matamata de Des Esseintes accablée de pierreries; car ce sont nos voisins de palier, personnages d’un arrière-monde opalescent et chantres de ce thesaurus où chacun peut enfin « trouver une langue ».