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Grand So a quelque chose en lui de Touo Lan !

Marcher dans Sheung Wan, mon nouveau quartier, c’est inspirer à chaque pas, un mélange de parfums qui me fait sentir plus vivante encore ! Hong-Kong est sans doute la seule ville au monde qui porte un nom relatif à sa charmante caractéristique : « le port aux parfums »! 

Par Anne Suquet

 

Hollywood Road, l’une des plus anciennes rues de l’île de Hong-Kong, est aussi l’endroit idéal pour satisfaire notre soif de découverte et de rencontres. C’est ainsi, qu’un matin, j’y ai fait la connaissance de Grand So, artiste peintre hongkongais. Chaque jour, il choisit d’exposer ses oeuvres dans la rue. C’est très astucieux car tous les badauds curieux comme moi, s’y arrêtent forcément !

Installé depuis plus de 10 ans, dans la rue, au n°94, à quelques pas du Man Mo Temple, sous son bob, sur une planche posée sur un bord de trottoir, il peint. Son papier, ses pinceaux, son encre, ses couleurs, ses bidons d’eau, bien ordonnés sur le trottoir, il peint sur du papier recyclé des peintures chinoises typiques, des fleurs, des hérons, des poissons, dragons, des bambous…

Son oeuvre éphémère la plus célèbre est « le cercle de l’infini ». Chaque jour, il peint un nouveau cercle, symbole de la vie éternelle, car la vie est un éternel recommencement, aime-t-il à dire ! Dans le cercle, il prend le soin d’y inscrire la date du jour et son nom…. et il n’en fait qu’un par jour. C’est donc une création et une idée de cadeau d’anniversaire unique ! 

Grand So m’explique combien cette technique nécessite rapidité et précision car l’encre étant indélébile et son tracé définitif, il est impossible de corriger le trait une fois sur le papier. Le pouvoir absorbant du papier utilisé interdit toute hésitation. L’artiste doit donc visualiser son œuvre et doit en avoir un schéma complet dans sa conscience bien avant de prendre son pinceau. Il n’y a pas d’essai possible. 

 

Peindre les visages à l’encre…

Grand So ressemble à un autre personnage que j’ai découvert dans un conte chinois : Touo Lan, le peintre fasciné par les visages. Ce n’est pas un peintre ordinaire. Habité par la peinture, il peint sur tout ce qui lui tombe sous la main, du papier, de la soie ou du bois. Au cœur de la montagne, parmi les ifs et les nuages, il vit dans une simple maison de bois. Le vieil homme sort rarement, mais de temps en temps, il descend au village. Il y fait quelques provisions au marché, puis s’assoit sur un banc et observe les gens autour de lui. Chaque jour, de retour chez lui, il dispose sur la table ses pinceaux et ses encres, et se met à dessiner sur une feuille de papier ou de soie sept visages. A la fin de la semaine, il dispose sept fois sept visages sur le sol. Il les contemple longuement et secrètement se réjouit. Ainsi s’écoule la vie de Touo Lan. Bien entendu, l’histoire a une suite et je souhaite aiguiser votre curiosité. Je vous invite à la découvrir dans le recueil de Contes chinois d’Henri Gougaud.

 

La place de l’art de l’encre

« En Chine, où son utilisation à des fins tant spirituelles qu’artistiques remonte à quelque 2 700 ans avant notre ère, la peinture à l’encre est vénérée au-dessus de toutes les autres formes d’art, alors qu’elle n’est encore considérée que comme une discipline secondaire en dehors de l’Asie », rappelle Christopher Reynolds, cofondateur et directeur de l’Ink Studio, à Pékin. Elle pourrait devenir, à terme, aussi populaire que n’importe quel autre nouveau média en Occident et influencer de nouvelles pratiques artistiques. « Le public connecté à l’art de l’encre est appelé à augmenter de jour en jour », assure Chan Shing Kau, artiste peintre, tant ce médium répond au besoin de spiritualité aussi bien en Orient qu’en Occident. Les contributions des musées internationaux et autres institutions culturelles à une meilleure connaissance de l’encre en sont une preuve supplémentaire. A Tsim Shat Tsui, je recommande vivement de visiter le Hong-Kong Museum of Art qui sait mettre en valeur cet art.

Grand So et Touo Lan nous invitent à nous intéresser à la peinture à l’encre de Chine car elle relève d’une certaine philosophie artistique. N’est-ce pas la pure expression de l’âme du peintre et de l’essence de la chose peinte ?